Littérature
Drapeaux troués, murs percés
Drapeaux troués, murs percés
Images détournées au fil de l’Histoire et de la littérature
Depuis le mois d’octobre, Corina Ciocârlie et le Cercle Cité proposent un cycle de rencontres autour des correspondances entre les mots et les images, entre la fiction littéraire et le récit photographique, artistique ou cinématographique. Chaque lecture/débat prendra comme point de départ une scène de roman, une photographie ou un extrait de film, ainsi qu’une exposition en cours au Cercle Cité.
Troisième volet d’un cycle de débats consacré à la fin des totalitarismes et, plus précisément, à ce que Magritte appelait la « trahison des images ».
Déchirer les drapeaux, remplacer les hymnes, déboulonner les statues, abattre les murs, ce sont des gestes fondateurs des mouvements révolutionnaires et un excellent prétexte narratif/romanesque.
En 1991, l’écrivain roumain Andrei Codrescu publiait un livre intitulé The Hole in the Flag – un essai autobiographique sur l’exil, la dictature, la révolution, la possibilité du retour au pays – partant de l’image de ce drapeau roumain auquel, en décembre 1989, on s’est empressé d’arracher la partie centrale qui regroupait, autour d’une étoile rouge, les symboles du pouvoir communiste.
Avant Andreï Codrescu, le dissident russe Alexandre Zinoviev signait Les Hauteurs béantes puis, en 1989, Katastroïka, où il était question d’une ville nouvelle, Partgrad, aussi absurde et vide de sens que le trou dans le mur figuré sur la couverture.
En 1990, l’artiste allemande Birgit Kinder peignait, sur le vestige le plus célèbre du Mur de Berlin, nommé East Side Gallery, une brèche à travers laquelle surgissait une Trabant grise immatriculée NOV 9 1989, date de la chute du Mur. À l’origine, l’artiste avait intitulé son œuvre « Test the Best » en guise de clin d’oeil au slogan publicitaire pour une marque de cigarettes, « Test the West ». Lors d’une rénovation de l’œuvre en 2009, son titre a été changé en « Test the Rest ». En 1990, il était encore essentiel de rappeler que le meilleur était à l’Ouest; vingt ans plus tard, on pouvait admettre que le moment était venu de se reposer – sur ses lauriers et tout court – en attendant la révolution à venir...
La béance, la trouée, la percée : cette absence si présente au cœur même de l’image est un motif récurrent dans la représentation des soubresauts de l’Histoire récente. Le trou dans le mur et le trou dans le drapeau, tout comme les visages gommés des photographies dans les manuels de propagande, font écho à un supposé trou de mémoire. Les « oubliés » de l’Histoire, ce sont ceux dont on a voulu faire, coûte que coûte, des invisibles. Nos rencontres du Cercle Cité tâchent, en quelque sorte, de leur rendre justice…
La lecture aura lieu en français à l’Auditorium Henri Beck (2, rue Genistre).
Inscriptions obligatoires : inscription@cerclecite.lu
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