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Littérature

Cercle de Lectures - L'homme au baluchon

17/05/2022
18:30 à 20:00
17/05/2022
18:30 à 20:00
Auditorium Henri Beck (2, rue Genistre)

Entrée libre

En français

Pièce d’Eugène Ionesco en forme de parabole, L’Homme aux valises commence dans un « lieu de nulle part », sur les rives d’un fleuve qui s’avère être la Seine. Quelqu’un – un peintre coiffé d’un béret, fumant tranquillement sa pipe – se réjouit de l’accalmie qui précède la tempête : « La France, ça existe encore, ces braves gens y croient. Vous pouvez les rejoindre. Nous sommes en 1938. Comme les Français sont vifs et intelligents ! Heureusement que nous sommes en 1938 et 1944 n’est pas encore arrivé. » Face à ce joyeux luron, un étranger qui, encombré de deux valises, semble désorienté. Quelques scènes plus loin, on le retrouve en train d’avancer péniblement, le regard perdu dans le lointain, alors qu’un jeune homme surgit avec une carabine et le met en joue. Leur dialogue de sourds est celui qui, depuis la nuit des temps, se poursuit aux frontières : « LE JEUNE HOMME : Halte-là. PREMIER HOMME : Je n’ai, dans mes valises, que du matériel inoffensif. LE JEUNE HOMME : Le mot de passe. PREMIER HOMME : L’ombre ne lâche pas sa proie. LE JEUNE HOMME : Répétez distinctement. PREMIER HOMME : L’ombre ne lâche pas sa proie. »  

Celui qui prétend faire partie de la « police des routes » est en fait un implacable Janus bifrons – moitié Cerbère, moitié Sphinx – dont le métier consiste à assommer le nouveau venu de questions-pièges et de verdicts définitifs : « LE SPHINX : Répondez vite. Il faut répondre à la seconde même. (…) Vous êtes refoulé. Expulsé. Je vous refuse le permis de séjour. » Dans le théâtre de l’absurde orchestré par Ionesco, l’étranger a beau trouver les réponses et connaître le mot de passe, le Sphinx n’hésitera pas à lui tourner le dos et à disparaître, le laissant pantois, avec ses valises encombrantes, aux portes d’une ville – ou d’un pays – qui ne veut point de lui. À la fin des hostilités, on retrouvera l’errant, muni d’une simple rame, dans le sombre « port de Kichinev » d’où il était probablement parti, condamné à porter ce lourd fardeau qu’est le retour du refoulé.

En 1975, lorsque la pièce de Ionesco est créée au Théâtre de l’Atelier à Paris, Khichinev est une ville d’U.R.S.S., capitale de la République de Moldavie, située sur un affluent du Dniestr, pas loin de Tiraspol, d’Odessa et de Kherson. En 2022 comme en 1975 ou en 1938, on peut toujours rêver de débarquer sur les rives de la Seine, on peut porter vaillamment sa valise ou son baluchon à travers l’Europe, et se retrouver ensuite captif de ce même port obscur que l’on croyait avoir quitté à jamais. On s’était pourtant muni, comme le Premier Homme, d’un laisser-passer, d’un certificat médical et d’un plan de la Ville Lumière, on avait appris par cœur tous les mots de passe et on avait bien répondu aux questions du Sphinx qui – allez savoir pourquoi, sans doute parce que c’est son rôle de toute éternité –, se contentera de nous tourner le dos et de disparaître pendant que les barrières se referment devant nous, nous livrant ainsi à nos ennemis et à nos démons.

Présentation du livre Mots de passe (Éditions Convivium, 2022), qui reprend la thématique des rencontres proposées par le Cercle Cité entre mars 2020 et décembre 2021, dans le cadre du Cercle de Lectures animé par Corina Ciocârlie.

Entrée libre, sans inscription.


 Le port du masque est fortement recommandé pendant toute la durée de l'événement.  

Organisation
Cercle Cité, en collaboration avec Corina Ciocârlie

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