Littérature
Noir sur blanc. Clichés en tous genres
Depuis le mois d’octobre 2020, Corina Ciocârlie et le Cercle Cité proposent un nouveau cycle de rencontres consacré au phénomène migratoire sous la loupe des écrivains et des photographes.
En consonance avec l’exposition « Rethinking Nature » (Cercle Cité/EMoPLux 2021), nous allons essayer de comprendre comment une île, un pays, un continent peuvent fondre – littéralement – dans l’indifférence ou sombrer dans l’oubli, à l’instar des glaciers observés par Maria-Magdalena Ianchis ou de cette base militaire nucléaire abandonnée au Groenland et ressuscitée par Anastasia Mityukova.
Doggerland est le nom donné par les géologues à une grande île qui reliait la Grande-Bretagne au reste de l’Europe durant les glaciations quaternaires. Une sorte d’Atlantide en pleine Mer du Nord, engloutie par un tsunami il y a 8 000 ans et dont les traces n’ont été retrouvées que récemment. Élisabeth Filhol en a tiré le décor d’un récit saisissant : Doggerland (2019), ou le miroir romanesque d’un double effondrement – faille géographique et faillite amoureuse, anomalie climatique et confusion des sentiments.
Dans son remarquable Atlas des îles abandonnées (2009), Judith Schalansky fait l’inventaire de toutes ces îles tellement éloignées de leur pays de rattachement qu’elles ne tiennent pas sur les cartes nationales. La plupart du temps, on les ignore, à moins qu’on ne les relègue dans les marges, comme des « notes de bas de page du continent », parquées dans une petite case et dotées d’une propre échelle. Qu’elles s’appellent Iwo Jima, Solitude, Floreana ou l’Île de la Déception, ces Atlantides englouties par les flots et la colère des dieux témoignent de notre incapacité de regarder l’Autre droit dans les yeux, non pas pour le conquérir ou l’apprivoiser, mais pour constater sa présence et dialoguer avec lui d’égal à égal.
Selon Anastasia Mitukova, il s’agit là d’un Disappearing Act suite auquel, de cette base militaire de Thulé abandonnée par les Américains, on ne voit plus que les déchets enfouis dans le sol gelé du Groenland. De même, l’artiste chilien Alfredo Jaar se représente l’Afrique comme un continent submersible, englouti par la marée noire l’oubli, soluble dans l’eau trouble de l’indifférence. Son Rwanda Project 1994-2000 montre de façon implacable comment les médias occidentaux ont su fermer les yeux sur le génocide rwandais. Jaar utilise la lumière pour aveugler et l’obscurité pour éclairer, faisant ainsi écho au mécanisme de la camera lucida. C’est sa façon de rappeler que l’Afrique reste un continent sous-exposé, auquel on refuse obstinément un regard honnête et sans a priori – ce que Roland Barthes appelle, dans La Chambre claire, « juste une image, mais une image juste ».
Rwanda Project, c’est aussi une longue histoire de silence et d’oubli, une amnésie coupable et récurrente. Jean Hatzfeld le sait tout aussi bien qu’Alfredo Jaar. Dans Là où tout se tait (2021), l’ancien grand reporter arpente les collines de Nyamata à la recherche des très rares Hutus ayant résisté en 1994 à la folie génocidaire, au péril de leur vie. Au Rwanda, on les appelle les « gardiens du pacte de sang », et leur position est intenable : aux yeux des Hutus ils incarnent la trahison, alors que les Tutsis refusent d’admettre qu’il y ait eu des Hutus méritants. Vingt-cinq ans après l’horreur, ils sont entourés de méfiance, murés dans le silence, à l’image de ces îles abandonnées au milieu de l’océan et bannies des cartes.
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Programme cadre
Expositions
Dans le cadre du Mois Européen de la Photographie
Organisé par Cercle Cité, en collaboration avec Café-Crème asbl Luxembourg
Vernissage le 29.04.2021 à 18:30
Table ronde
Dans le cadre du Mois européen de la photographie au Luxembourg
Organisé par Cercle Cité, en collaboration avec Café-Crème asbl
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